3
Le voyage fut rapide, en vérité. Le Taureau-Sauvage filait au milieu du courant. Le Fleuve, bas et étroit en cette époque de l’année, était encaissé entre les rives sur lesquelles s’achevaient les toutes dernières récoltes. À l’aube du troisième jour, ils dépassèrent les ruines de la cité de l’Horizon. Huy les contempla, ayant peine à croire qu’il y avait vécu, autrefois. Là s’était dressée la nouvelle capitale, centre du plus grand empire du monde et berceau du culte d’Aton. Merveille des merveilles aux yeux des ambassadeurs et des monarques étrangers, elle était destinée à surpasser en splendeur le grand tombeau de Khoufou[17] lui-même. Tant d’éclat n’était pas sans servir des fins diplomatiques : qui eût osé braver de si puissants bâtisseurs ? À présent, non seulement la cité n’était plus que ruines et solitude, mais un océan de sable poussé par le vent commençait à l’engloutir, si bien que ses contours noyés évoquaient la charogne d’un lion dans le désert. Dire que Huy y avait fondé tous ses espoirs, toutes ses ambitions ! Là, il avait eu une épouse, un enfant, une demeure, des fonctions qu’il assumait avec l’heureuse certitude d’un avenir serein et riche de succès. En voyant défiler les monticules gris-jaune sous la froide lumière du matin, il doutait presque que ce temps-là eût vraiment existé. Mais le passé d’un homme avait l’irréalité d’un rêve. La maison où l’on avait vécu pendant vingt ou trente ans cessait d’être faite de briques et de bois dès qu’on en franchissait le seuil avec ses bagages – elle devenait partie du rêve. On était condamné à vivre au présent une existence qui ne reposait sur rien et ne rimait à rien, selon le caprice de divinités aussi lointaines que les étoiles.
Huy se secoua pour chasser ces pensées moroses de son cœur. Elles ne l’aideraient pas à tromper l’attente ! La vie était une lutte, mieux valait s’y résigner au lieu de se morfondre dans la mélancolie. Le scribe se mit en quête de Psaro, qui l’accompagnait pour sa plus grande joie. Ce déplacement n’ayant aucun caractère officiel, Huy n’avait pas emmené de suite plus nombreuse.
Dans sa course vers le nord, le vaisseau fendait les flots telle une lame. Aux abords de chaque village, il glissait au milieu d’une foule de petites nacelles, semant les lourdes barges de transport et les navires à quille profonde venus de Keftiou. De la haute cabine située à la poupe, Huy distingua la silhouette miroitante de la pyramide à degrés de Djoser, sur sa colline basse, avant l’entrée au port de la capitale du Nord. Le Taureau-Sauvage devait y faire escale, car il transportait des lettres destinées au vice-roi. Le moment n’était pas des mieux choisis pour accoster ; en cette heure la plus chaude de la journée, on ne voyait pas âme qui vive. Seuls les scarabées, en dignes fils de Rê, troublaient le silence de leurs ailes vrombissantes.
Huy passa la nuit chez un ami, Paéri-Rénoutet, constructeur naval de son état. Celui-ci vivait avec ses trois épouses et ses dix-huit enfants dans une petite maison biscornue des faubourgs de la ville. Le scribe se réjouit tout d’abord d’échapper à ses compagnons de voyage, un fonctionnaire assommant et un jeune officier de charrerie, arrogant jusqu’au bout des Plumes de Rang ornant sa perruque, et qui refusait de discuter de la guerre. Sans doute de peur de trahir son ignorance à ce sujet ! Néanmoins, le scribe trouva l’atmosphère de cette maison surpeuplée absolument épuisante et son ami incroyablement vieilli. La capitale du Nord, plus petite et récente que celle du Sud, possédait peu de charme à ses yeux, aussi fut-il heureux de reprendre le Fleuve le lendemain. Psaro répugnait davantage à partir, car la pensée de la mer lui inspirait une sainte terreur.
Bientôt les grands tombeaux des anciens rois se dessinèrent, triangles massifs, sur la rive occidentale : Khoufou, Khâfrê et Menkaourê[18]. Depuis plus d’un millénaire, leurs flancs blancs réverbéraient le soleil et leur pinacle aspirait au ciel. À contempler leur majesté, qui aurait pu croire que l’Empire ne serait pas éternel ? En ces lieux, trois ans plus tôt, Psaro et Huy avaient débarqué pour obliquer vers l’est et les mines de turquoises. À partir de maintenant, ils entraient en territoire inconnu. La Grande Verte semblait toute proche. Lorsqu’ils lui demandaient de la décrire, le capitaine, malgré ses dehors bourrus, souriait en secouant la tête.
« Vous verrez ! disait-il. La réalité vaut mieux qu’un long discours. »
Les grands tombeaux étaient encore en vue, derrière eux, quand le vaisseau à proue relevée s’approcha du point où le Fleuve se divisait. Il s’engagea dans un des bras occidentaux et mit le cap sur la cité de la Mer.
Ils avançaient plus lentement, à travers des marécages où les joncs et les papyrus s’étendaient jusqu’à l’horizon. Sur les bancs de sable se confondant presque avec les berges, des hérons sur une patte plongeaient le bec dans l’eau en un éclair pour capturer un poisson. Le Fleuve se ramifiait de part et d’autre en une centaine de petits canaux, qui tous se hâtaient vers le nord, telles les branches d’un arbre s’élançant vers le ciel.
Les villages étaient plus rares, mais les navires nombreux. Quand ils croisèrent un autre vaisseau-faucon, les deux bateaux se saluèrent en échangeant des sonneries de trompette. Huy eut grand soin de marquer de la retenue : pour officieuse que fût sa visite, il assumait de hautes fonctions et transportait en outre des lettres de Pharaon. Psaro, qui n’avait pas de tels soucis, se démanchait le cou sans vergogne, penché sur le bastingage.
D’abord, Huy eut conscience de la fraîcheur de l’air, si intense qu’il s’enveloppa dans son châle. Ensuite, la brise porta à ses narines une odeur totalement nouvelle, aussi forte qu’une épice inconnue, mais suggérant la vie et le mouvement. D’étranges oiseaux blancs, qui tournoyaient très haut en ricanant, firent mine de piquer vers le navire puis s’enhardirent et plongèrent dans son sillage. Et tout à coup, sous leurs cris, Huy discerna un bruit à la fois doux et insistant, comme celui du vent dans les joncs.
« Est-elle proche ? demanda-t-il au capitaine.
— Oui. Regarde de tous tes yeux ! »
Brusquement, le Fleuve s’élargit pour se redéfinir aussitôt en un triangle d’eau, au sommet duquel se trouvait le vaisseau. Sa base se perdait dans une brume de chaleur, mais, sur la rive occidentale devenue rivage, la cité s’élevait en haut d’une colline. Le ciel était pâle, presque incolore. À mesure que le Taureau-Sauvage approchait des quais encombrés, la brume se dissipa et, enfin, dévoila la Grande Verte.
« Un désert liquide ! Une immensité de solitude ! » murmura Psaro.
Tous deux contemplèrent en silence la surface turbulente, couronnée d’écume blanche où jouaient les reflets chatoyants du soleil couchant.
« Comme la lumière doit y danser, quand Rê apparaît dans toute sa gloire ! » s’extasia le serviteur.
Mais Huy, pensif, s’écarta de la rambarde. Héby s’était-il aventuré à franchir une pareille étendue ? Le scribe avait entendu bon nombre d’histoires sur la mer, pourtant aucune ne l’avait préparé à cela. Il se rappela un ami d’autrefois, Mérymosé, qui avait échappé au sac de Byblos d’abord à la nage, puis à bord d’un petit esquif grâce auquel il avait pu regagner le Delta[19]. Huy en frémit d’horreur rien que d’y penser.
Ils furent parmi les premiers à débarquer et mirent quelques instants à se réhabituer à la terre ferme. L’air était différent, ici, plus vif que dans la capitale du Sud. Mais une désagréable odeur de poisson flottait sur le port. Les cris agaçants des oiseaux de mer couvraient tous les autres sons. Le conducteur de char descendit la passerelle, suivi par les deux soldats formant son escorte, et partit avec détermination vers la droite – sans doute en direction du camp militaire. Le fonctionnaire, qui voyageait seul, rejoignit Huy et lui demanda avec embarras s’il était attendu par quelqu’un de la résidence du gouverneur. À peine avait-il parlé qu’un homme se détacha du petit groupe de gens qui observaient le débarquement. Il était grassouillet et très soigné de sa personne. En dépit d’une apparente simplicité, sa tunique et son pagne étaient de lin fin, et ses sandales de cuir fermaient par des attaches en or.
« Je me nomme Chérouiri, annonça-t-il en s’approchant de Huy. Kamosé m’envoie pour t’accueillir. »
Le scribe hocha la tête. D’un coup d’œil au fonctionnaire, Chérouiri nota son rang médiocre et ne lui adressa pas la parole. En revanche, il accorda à Huy un sourire courtois bien qu’un peu crispé, puis les pilota, lui et Psaro, à travers la foule qui s’écarta devant eux. Ils s’arrêtèrent devant deux litières, gardées chacune par deux militaires.
« Pouvons-nous nous permettre de monopoliser des soldats, en temps de guerre ? s’étonna Huy.
— Nous avons eu… quelques incidents, en ville, expliqua Chérouiri, visiblement pris de court. Oh, rien d’inquiétant ! Toutefois, le gouverneur ne laisse rien au hasard.
— Quel genre d’incidents ?
— Kamosé te l’apprendra. Je suis sûr que tu préféreras entendre toute l’histoire par sa bouche. »
Adressant un petit signe du menton aux porteurs, il s’effaça pour laisser monter Huy le premier dans la litière avant de l’y rejoindre. Le second véhicule était destiné à Psaro et aux bagages, mais le fonctionnaire, qui les avait suivis, s’y installa également. Quand ils se mirent en route, Huy entendit l’homme répéter des excuses contrites et les porteurs maugréer sous l’effort.
Par bonheur, le trajet ne fut pas long. Coupée par deux rues perpendiculaires elles-mêmes entrelacées d’un dédale de ruelles, la cité n’était pas aussi vaste que les capitales. Le port en constituait le centre vital. Sur un petit promontoire, que l’on atteignait par une pente raide, s’élevait la résidence gouvernementale. La façade jaune s’ornait de colonnes carrées sculptées de lourdes fleurs de lotus bleu. La peinture pelait sur les murs orientés vers la mer, noircis par les embruns. Des jardins peu fournis s’étendaient alentour.
Cependant, l’intérieur était nettement plus imposant. Sur les murs bleus, on ne retrouvait pas les habituels motifs de fleurs et d’arbres, mais des thèmes marins : poissons, coquillages, vagues et bateaux. Les meubles étaient taillés dans du bois de récupération provenant de barges et de navires. Dans cette maison, nulle trace d’une quelconque influence féminine. Pas de bibelot fin ou délicat, peu d’harmonie dans les couleurs, une atmosphère dénotant une aisance sans façon. Toutefois cette ambiance chaleureuse donna l’impression à Huy que le maître de maison lui serait sympathique.
Chérouiri l’escorta jusqu’à la salle centrale, tandis que des serviteurs s’occupaient de Psaro. Un jeune scribe conduisit le fonctionnaire dans une annexe, soit pour qu’il s’y installe, soit pour qu’il s’y mette au travail sans plus tarder. Huy ne le revit jamais.
Chérouiri l’invita à s’asseoir et frappa des mains pour qu’on apportât du pain et de la bière. Puis il s’excusa en s’inclinant légèrement avant de sortir par un passage voûté, à l’est de la salle.
À peine s’était-il éclipsé que Huy entendit une voix caverneuse s’élever avec impatience. Des pas résonnèrent et un homme fit son entrée. Malgré sa taille moyenne, il était fort et carré. Il arborait ses cheveux naturels, tirant sur le gris et coupés très court. Ses joues glabres et son cou cuivré commençaient à s’empâter. De lourdes paupières voilaient ses yeux intelligents, qui semblaient regarder au-delà de Huy et le déconcertèrent par leur bleu limpide.
Les vêtements du nouveau venu, d’un blanc éblouissant, galonnés d’or et d’outremer, firent comprendre à Huy qu’il était en présence du gouverneur, bien que celui-ci ne portât pas le collier emblématique de son rang. Le scribe se leva, se félicitant d’avoir revêtu sa tenue officielle.
Il pensa d’abord que Kamosé était seul, puis il remarqua une silhouette féminine qui s’attardait un instant près de la porte. Il eut l’impression que c’était elle qui avait provoqué l’irritation de Kamosé. En découvrant le visiteur, tous deux s’étaient calmés, peu désireux de poursuivre leur querelle devant un étranger. Huy crut croiser brièvement le regard de la femme, mais elle disparut trop vite pour lui laisser une impression, même vague, de son apparence. De la prestesse de ses mouvements, il conclut cependant qu’elle était jeune.
Interdit, Kamosé fixait Huy. N’ayant pas été avisé de son arrivée, il n’avait pas eu le temps de se préparer. Néanmoins, il se reprit rapidement.
« Je présume que tu es le scribe de la capitale du Sud.
— Le directeur adjoint des Archives Culturelles, précisa Huy, d’un ton juste assez sec pour faire sentir la nuance. Mais je viens ici à titre officieux.
— Oui, je sais. Ton fils. J’avais envoyé Chérouiri t’accueillir au bateau. Où est-il ?
— Je crois qu’il est allé m’annoncer.
— Au moins, on t’a apporté de la bière et du pain ! Je t’en prie, assieds-toi et désaltère-toi. Tu dois être rompu de fatigue.
— Non, je dormais très bien, à bord.
— Allons, tant mieux ! dit Kamosé en se détendant. Tu n’as pas l’air d’un scribe.
— On me l’a souvent dit. »
Le gouverneur servit la bière et, sans attendre, but à longs traits. Il s’essuyait la bouche sur sa manche quand il surprit le regard de Huy. Il grimaça un sourire embarrassé.
« Pardonne-moi. Tu es arrivé à un mauvais moment, mais tu es le bienvenu, sois-en sûr… N’hésite pas à me demander toute l’aide dont tu auras besoin.
— Je t’en sais gré.
— J’espère que nous retrouverons ton fils. »
Kamosé regarda involontairement en direction de la porte, avec une expression à la fois soucieuse et ulcérée. Huy refréna sa curiosité, mais Kamosé dut s’en apercevoir, car il dit, laconique :
« Je suis veuf. Je n’ai ni le temps ni l’envie de me remarier. »
Il prit un morceau de pain, qu’il mangea machinalement.
« Le roi a-t-il envoyé des lettres ?
— Oui. Elles se trouvent dans mes bagages. »
Le propre rang de Huy le plaçait immédiatement au-dessous d’un gouverneur de district, si important fût-il. Kamosé parut soudain en prendre conscience :
« Pardonne ma brusquerie. Ce genre de rencontre officieuse est inhabituel.
— Il est vrai. »
Le silence gêné qui suivit fut rompu par l’arrivée précipitée de Chérouiri accompagné de quatre serviteurs. Leur présence allégea immédiatement l’atmosphère – ce que Huy regretta un peu, intrigué qu’il était par cette situation. Que se passait-il, dans cette maison ? Pourquoi avait-on fait escorter sa litière par des militaires ? Il avait hâte d’en finir avec ce cérémonial. Aahmès avait sûrement appris l’arrivée du vaisseau. Il éprouvait des sentiments mitigés à l’idée de la revoir. Tant d’années avaient passé, depuis leur dernière rencontre ! Quelle impression produiraient-ils l’un sur l’autre ? Comment réagiraient-ils ?
« Maître, pardonne-moi… commença Chérouiri.
— Nous avons fait connaissance, coupa Kamosé en l’interrompant d’un geste. J’étais avec Hémet. Cette fille me fera mourir. »
Huy remarqua le regard de compréhension qui passa entre les deux hommes.
« J’aimerais qu’on me conduise à mon logis, afin que je puisse me rafraîchir, intervint-il.
— Il va de soi que tu es ici chez toi.
— Je ne voulais pas insinuer… Cette visite étant d’ordre privé, je ne m’attendais pas… »
Mais Kamosé balaya ses objections d’un revers de la main.
« La place ne manque pas ! De plus, ne m’apportes-tu pas des lettres de Pharaon ? Il y a dans la propriété un pavillon destiné aux invités. Tu peux t’y installer avec ton serviteur. Chérouiri prendra des dispositions pour que nos domestiques veillent à ton confort. Nous nous emploierons à retrouver ton fils et… il y a une certaine affaire dont je voudrais t’entretenir.
— De quoi s’agit-il ? Chérouiri y a effectivement fait allusion.
— Ah, vraiment ? répliqua Kamosé en fixant son intendant. Très bien. Mais chaque chose en son temps. Je sais ce qui prime dans ton cœur, Huy. Va te mettre à l’aise. Chérouiri te montrera le chemin. Retrouvons-nous dans une heure ; alors, nous déciderons de la conduite à tenir.
— Je dois prendre contact avec mon ex-épouse.
— Naturellement. Préfères-tu séjourner chez elle ? s’inquiéta le gouverneur, soudain frappé par cette idée. Menouhotep possède une vaste demeure.
— Non, je te remercie.
— Fort bien. Nous allons l’aviser de ton arrivée. Quand verras-tu Aahmès ?
— Le plus tôt sera le mieux.
— Naturellement. Mais d’abord nous avons à discuter. Ta réputation est grande, Huy. »
Le scribe soutint son regard imperturbablement. Kamosé avait-il deviné que si Ay lui avait permis de venir, c’était dans le seul but de s’informer sur les intentions d’Horemheb ? Quel camp avait choisi le gouverneur ? Huy décida de glisser là-dessus. Il avait pensé que le propriétaire de cette maison lui serait sympathique et jusqu’alors il n’avait pas de raison de revenir sur son opinion. Néanmoins, il avait été surpris d’entrevoir une femme et se demandait qui elle était.
Les convenances lui interdisaient de poser une question directe à ce sujet – simple servante ou concubine, elle n’avait peut-être rien de bien mystérieux –, mais même dans le cas contraire il n’en aurait pas eu le temps, car déjà Chérouiri l’invitait à le suivre. Ils traversèrent les jardins jusqu’au fond de la propriété, où se trouvait le pavillon. Là, Huy remit à l’intendant les lettres destinées à Kamosé. Après s’être lavé et changé dans l’appartement confortable en dépit de son exiguïté, et avoir décliné poliment l’offre d’une compagnie féminine, il retrouva Chérouiri qui l’attendait pour l’escorter jusqu’à la salle de travail de son maître.
Cette fois, sans faire cas de son propre rang, Kamosé se leva pour aller à la rencontre de Huy. En revoyant le gouverneur, le scribe revint sur son impression première et opta pour la prudence. Il y avait chez cet homme-là quelque chose de presque trop franc et direct. Dans la salle de travail, rien n’indiquait une activité démesurée. Des filets de pêche ornaient les murs, la fenêtre dominait l’immensité des flots. Pourtant, malgré l’air vivifiant du dehors, il y régnait une chaleur étouffante.
« Je ne te retiendrai pas longtemps, annonça Kamosé, le regard soucieux.
— Dis-moi ce qui te préoccupe. »
Kamosé esquissa un geste vers les lettres du pharaon.
« Certes, l’affaire qui t’amène est de caractère privé. Toutefois, j’avais écrit à la capitale du Sud pour demander conseil dès que ce problème s’est posé, et maintenant Ay m’invite à profiter de ta visite pour faire appel à toi. »
Nous y voilà ! se dit Huy. Le vieux chacal ne lui lâchait jamais la bride sans raison.
« En quoi puis-je t’aider ? »
Sa voix dut trahir son agacement, car Kamosé resta sur la défensive, presque timide.
« Je suis certain que cela n’interférera en rien avec tes projets. Tout en menant tes propres recherches, il te suffirait de poser quelques questions pour mon compte.
— À quel sujet ? demanda Huy, s’armant de patience.
— As-tu remarqué qu’une escorte armée t’a conduit ici ?
— J’avoue que cela m’a frappé.
— Et aussi, sans doute, étonné ?
— Il est vrai. »
Le gouverneur se passa une main sur le front et expliqua avec hésitation :
« Nous avons rarement connu des troubles civils dans cette cité. Oui, fort peu en vérité. De nombreux soldats sont cantonnés ici, mais, quand l’envie leur prend de faire du grabuge, les Mézai savent rétablir l’ordre. Cependant, nous ne connaissions personne qui soit véritablement capable de suivre une piste.
— Et tu voudrais que je m’en charge ?
— Je le répète, ta réputation est grande.
— Ay m’a interdit de mener des enquêtes.
— Eh bien, on dirait qu’il vient de t’accorder une dispense ! répliqua le gouverneur en indiquant les lettres. J’ai échangé une nombreuse correspondance avec lui avant ton départ de la capitale du Sud. Le roi m’a écrit alors, et me confirme par la présente, que je puis librement recourir à tes talents pendant ton séjour. Ay pense-t-il que j’ignore comment tu t’es rendu célèbre ? »
Perplexe, Huy se demandait pourquoi le roi, qui n’agissait jamais sans raison, avait adopté cette tactique. En quoi cette enquête le renseignerait-elle davantage sur les plans d’Horemheb ?
« Il y a eu un meurtre, lâcha enfin Kamosé. Un homme a été tué.
— Un seul ?
— Oui.
— Et c’est pour cela qu’aucune litière officielle ne circule sans escorte ?
— Oui, répondit Kamosé, un pli amer aux lèvres. Mais l’homme dont je parle a été attaqué en pleine rue, traîné hors de sa litière, puis roué de coups et poignardé. Seul un dément a pu agir de la sorte.
— Qui était la victime ?
— Le grand prêtre d’Amon. Il se nommait Ipour.
— Son nom m’est familier.
— C’était un des plus hauts dignitaires de la cité.
— Un ami ?
— Sans aller jusque-là, disons un collègue estimé.
— Quelqu’un le haïssait.
— Au point de l’assassiner avec tant de sauvagerie ? Impossible.
— Donc, selon toi, le meurtre aurait été perpétré par un fou furieux ?
— Oui.
— Que sont devenus les porteurs ?
— Ils ont pris la fuite dès le début de l’attaque.
— Ont-ils vu quelque chose ?
— Ils soutiennent que non.
— Ils mentent forcément. Ils ont bien vu les assaillants !
— C’étaient des hommes en noir.
— Et les porteurs n’ont pas distingué leurs traits ?
— Non. Ces hommes s’étaient également couvert le visage.
— Comme des Khabiri ?
— Oui. Mais les nomades du désert ne viennent pas jusqu’ici. Il leur faudrait s’aventurer en plein territoire ennemi.
— Oui. Et s’ils voulaient nous espionner, ils s’habilleraient comme des habitants de la Terre Noire, approuva Huy d’un ton pensif. Mais on ne tue pas sans raison. Pourquoi Ipour est-il mort ?
— Si je le savais, je trouverais la piste sans ton aide. Cependant, sa demeure avait été cambriolée peu avant. On avait dérobé des bijoux et de l’or dans son coffre-fort.
— Laisse-t-il une famille ?
— Oui.
— Des amis ?
— Lui et moi n’étions pas très proches.
— Ce n’est pas ce que je t’ai demandé. »
Kamosé fixa Huy, qui sentit qu’il avait offusqué son hôte.
« Je ne savais rien de sa vie privée, reprit le gouverneur.
— Pourtant, c’est une petite ville, dont, comme toi, il était un haut fonctionnaire.
— Nous sommes jaloux de notre intimité, ici, peut-être justement parce qu’elle est si petite.
— Vous ne feriez pas long feu dans la capitale du Sud !
— Ce n’est sûrement pas un lieu où je choisirais de passer ma vie. »
Huy leva les mains, adoptant une attitude plus conciliante.
« Si tu veux que je bâtisse, il faut me fournir des briques. Je t’en prie, pense à cet homme et apprends-m’en le plus possible à son sujet. Dis-moi qui il fréquentait. Et maintenant, si tu le permets, je dois me rendre chez Aahmès. »
Kamosé baissa la tête.
« Bien entendu. Pardonne-moi, nous n’avons pas l’habitude de ce genre de crime. C’est en fait la première fois que cela se produit. Pourtant, la mort nous guette et nous menace de toutes parts. Le front est proche.
— Mais nous gagnons.
— Oui, nous gagnons. »
Huy ne put résister à l’envie de poser une dernière question :
« Horemheb te tient-il informé ? »
Kamosé releva vivement la tête pour le dévisager, mais le scribe affichait un air innocent.
« Il envoie ses rapports au commandant de la garnison.
— Ouserhet ?
— Oui, c’est son nom. »
Huy comprit qu’il avait terriblement froissé le gouverneur par sa brusquerie et s’en voulut. Était-ce l’air de la mer qui le rendait irritable, ou l’idée qu’on le détournait de sa propre enquête avant même qu’il l’eût commencée ? Il s’était trop facilement laissé entraîner dans une autre direction. Néanmoins, interroger le chef de la garnison servirait aussi ses desseins. Ouserhet avait-il connu Héby ? Mais non, pensa immédiatement le scribe. Pour lui, Héby n’avait dû être qu’un soldat parmi tant d’autres, en chemin vers la guerre. Et si d’aventure il avait entendu son nom, c’était comme celui d’un éventuel déserteur.
« Je réfléchirai à ce que tu m’as dit, assura Kamosé. Et… je te suis reconnaissant pour ton aide. »
Huy avait pris congé quand, sur le pas de la porte, il fut saisi par une soudaine inspiration :
« Depuis la mort d’Ipour, vous n’avez subi aucune agression ?
— Pour ma part, j’annulerais ces mesures de sécurité. Les tueurs ont apparemment atteint leur cible.
— Et si, finalement, les Khabiri avaient envoyé un commando pour supprimer les chefs de la cité ?
— Les Khabiri ne sont pas des navigateurs. Et, comme tu le soulignais tout à l’heure, ils se seraient trouvés en plein territoire ennemi. Où auraient-ils dormi ? Comment se seraient-ils nourris ? Seraient-ils passés inaperçus, dans cette petite ville ?
— Je vais réunir le conseil.
— Prends garde à ne pas provoquer de panique.
— Crois-tu que j’aie des leçons à recevoir de toi ? »
Huy baissa les yeux. S’il avait voulu indisposer le gouverneur, il n’aurait pu mieux s’y prendre. Kamosé était gêné, lui aussi. Les deux hommes conservèrent le silence.
« Nous reparlerons de cette affaire, dit enfin Kamosé. Je comprends que tu veuilles aller au plus vite chez la mère de ton fils. Chérouiri t’y accompagnera.
— Je n’ai pas besoin de lui.
— Ma seule intention était qu’il te montre le chemin. »
Huy inclina la tête. C’était d’amis, et non d’ennemis, qu’il aurait besoin ici. Il avait tout intérêt à tempérer sa nature suspicieuse, s’il ne voulait rendre sa situation plus compliquée encore.
Une litière les attendait, mais Huy proposa de faire la route à pied, ce qui lui permettrait de découvrir la ville. Chérouiri accepta volontiers.
« Nous nous dispenserons aussi de notre escorte », ajouta Huy, en regardant les deux militaires d’une quinzaine d’années qui montaient la garde devant la litière, armés de courts javelots.
Voyant Chérouiri pâlir, il argua, un sourire aux lèvres :
« Je doute que nous soyons assez éminents pour mériter une attaque des Khabiri. Qu’en dis-tu ? »
Ils sortirent par une porte latérale située dans le jardin, plus proche des premières rues de la cité que le portail principal, qui dominait le port.
« Il faut traverser la ville. Aahmès et Menouhotep habitent sur le flanc de la colline, de l’autre côté de la place du marché. »
Ce fut étrange, pour le scribe, d’entendre le nom de son ex-épouse associé si naturellement à celui d’un autre. Il se rendit compte que ces retrouvailles le rendaient beaucoup plus nerveux qu’il ne voulait l’admettre. Il regretta de ne pas avoir emmené Psaro, qui représentait un lien si familier entre son foyer et sa vie actuelle.
Le premier détail qui frappa Huy, tandis qu’ils avançaient dans les rues, fut l’absence de poussière. L’air était sec et merveilleusement frais, bien que le soleil dardât des rayons aussi impitoyables que dans la capitale du Sud. Les maisons avaient un aspect soigné, mais, à en juger par les jardins que Huy put entrevoir par des portails à demi ouverts, la végétation était clairsemée. Nombre de murs se craquelaient et les multiples tentatives de rénovation s’effritaient déjà. Dans le sol en terre cuite de la rue poussait une herbe dure, grisâtre, aux brins pareils à des piques. Les passants étaient rares. Toute l’activité diurne se concentrait sans doute dans le quartier du port. Des filets de pêche, parfois déchirés, étaient accrochés aux murs. De temps à autre, Huy entrevoyait une femme en train de cuisiner ou de filer. Sur les toits jouaient des enfants.
« Le sel contenu dans l’air est corrosif, commenta Chérouiri.
— Pour les gens aussi ?
— Non. D’après les guérisseurs, il serait bénéfique pour la santé.
— Je suppose que son action est lente.
— Avais-tu déjà vu la Grande Verte ?
— Non.
— Moi non plus, avant d’arriver ici. Il faut du temps pour s’y accoutumer, car elle influe sur le cœur autant que les saisons. Mais on finit par s’habituer, dit Chérouiri d’un ton fataliste.
— Je m’en souviendrai.
— Il faudra que nous t’emmenions faire une promenade au large ! » ajouta l’intendant, réjoui à cette idée.
Huy lui rendit son sourire, mais pria en son for intérieur pour que cela ne fût pas nécessaire. Et pourtant, pourquoi pas ? Les nouvelles expériences étaient enrichissantes. Avait-il perdu cette forme de curiosité ? C’eût été dommage. Pendant un certain temps, ils eurent la mer sur leur droite. Elle apparaissait brièvement, au bout des rues conduisant au littoral. Elle était plus turbulente, plus impatiente que le Fleuve. Par-delà s’étendaient des contrées dont il pouvait à peine rêver et qu’avaient vues peu d’habitants de la Terre Noire. Un jour, peut-être, il la franchirait. Mais pas maintenant. Pas encore.
« Kamosé est nerveux, reprit Chérouiri un peu plus loin.
— J’ai cru le constater.
— C’est un homme bon, Huy. Il chemine en silence. Mais son épouse est morte et, il y a peu, son fils a été tué à la guerre. Il est enseveli quelque part, à l’est de la Grande Verte. Kamosé ne sait pas si son enfant a été inhumé selon les rites. Étant fils de gouverneur, celui-ci a sûrement reçu les honneurs qui lui étaient dus, mais un père s’inquiète. Tu es bien placé pour le comprendre.
— Oui, malheureusement. Quel âge avait son fils ?
— Dix-sept ans.
— Tout comme le mien.
— Tenter de régler un conflit en sacrifiant de jeunes vies n’est pas la solution.
— Kamosé n’a-t-il pas d’autres enfants ?
— Si, une fille aînée.
— Je vois.
— Aidons-nous mutuellement à résoudre nos problèmes, suggéra Chérouiri.
— C’est mon vœu le plus cher. »
Ils avancèrent en silence. Huy observait son compagnon du coin de l’œil. L’embonpoint de Chérouiri donnait une fausse idée de son âge, effaçant des rides qui auraient marqué un visage plus mince.
« Que t’inspire le meurtre d’Ipour ? interrogea le scribe.
— C’est un événement aussi tragique que mystérieux.
— Le grand prêtre avait-il des ennemis ?
— Comme tout le monde. Y en avait-il un qui a pu décider de le supprimer ? C’est une autre question. »
Ils étaient parvenus devant un large portail à deux battants, tout en cèdre – signe indubitable de richesse. Néanmoins, Huy remarqua que la surface du bois était rongée et les pilastres cassés. De part et d’autre, une profusion de fleurs violettes, aux longues tiges rampantes formant des vrilles, envahissait les murs. Malgré leur beauté, elles donnaient l’impression que le jardin de l’autre côté était livré à l’abandon. Huy tourna la tête vers Chérouiri, espérant qu’il ne devinait pas sa nervosité. Mais les traits de l’intendant avaient l’impassibilité d’un masque.
« Nous sommes arrivés. »
Il leva sa canne et s’apprêtait à frapper quand Huy le retint :
« Un moment. »
Le scribe ferma les yeux et respira profondément, calmement. Il prononça son nom en lui-même, serrant et desserrant les poings. Enfin, il se sentit prêt.
« Veux-tu que je t’attende ? s’enquit Chérouiri.
— Non, je retrouverai mon chemin. D’ailleurs, on aperçoit d’ici la résidence du gouverneur. »
Un battant du portail s’ouvrit suffisamment pour révéler un petit homme – un serviteur, d’après sa tenue –, qui posa sur eux un regard morne.
« Voici le scribe en chef Huy, qui est attendu chez toi », annonça Chérouiri avec emphase.
L’homme acquiesça et ouvrit la porte plus largement, ce qui parut requérir un effort. Chérouiri s’inclina devant Huy et recula. Le scribe passa devant le serviteur pour pénétrer dans le jardin.
Il regretta aussitôt de ne pas avoir interrogé franchement son compagnon sur les revers de fortune de Menouhotep, qui n’étaient que trop flagrants. Un enchevêtrement de plantes étouffait les arbres, dont les silhouettes sèches et désolées viraient au jaune dans une atmosphère torride, les hauts murs faisant obstacle à l’air. Une eau sombre et glauque stagnait au fond du bassin. La maison paraissait déserte. Trois enfants devaient vivre ici, pourtant on n’en voyait aucun signe, pas plus, d’ailleurs, que d’une présence humaine. Mais en ces lieux où toute vie semblait avoir cessé, le serviteur avançait manifestement avec une destination en vue.
Lui emboîtant le pas, Huy traversa la terrasse. Une femme d’âge mûr, en longue robe à plis, débarrassait les reliefs d’un repas sur une table. Elle ne leva pas la tête à leur passage. Ici, du moins, on sentait un certain effort pour sauvegarder les apparences. Les quelques plantes étaient bien taillées et le sol soigneusement balayé. Mais les meubles craquelés et les chaises bancales ne faisaient guère illusion.
On accédait à l’intérieur par un passage voûté, béant et sombre telle l’entrée d’une grotte. Huy s’immobilisa sur le seuil le temps de s’habituer à la pénombre bienfaisante. Une odeur fraîche et agréable flottait dans l’air. Il avait devant lui une pièce spacieuse, au sol revêtu d’un plancher. De l’autre côté de cette pièce, des fenêtres basses et deux autres passages voûtés donnaient sur une cour blanchie par le soleil, où Huy distingua des statues des déesses du foyer – Nekhbet et Isis –, ainsi qu’un bassin. D’il ne savait où montait un bruit d’éclaboussures, et une fois, lui sembla-t-il, un rire d’enfant.
La pièce était peu meublée. Deux bancs foncés étaient disposés face à face, avec, au milieu, une table du même bois. Sur la haute frise murale, Huy distingua des poissons qui l’étonnèrent par leur forme autant que par leur taille.
Il prit conscience que le serviteur l’avait laissé seul, et hésita. On ne l’avait pas prié d’attendre ici, mais il ne savait où se diriger. Il écouta intensément les bruits de la maison, sans rien entendre qui pût le guider. Puis, percevant un froissement d’étoffe, Huy se tourna et vit son ancienne épouse qui s’avançait vers lui.
Elle était plus grande que dans son souvenir ; mais elle avait toujours été plus grande que lui. Elle portait une robe bordée de galons verts et bleus et, au cou, un collier-menat[20]. Sa perruque longue retombait en tresses compliquées sur ses épaules, jusqu’à ses seins. Des bracelets d’or tintaient à ses poignets et à ses chevilles, et ses oreilles disparaissaient sous de gros anneaux cloutés.
Sa peau avait bruni et ses traits s’étaient épaissis – un pli de chair enrobait la pointe de son menton, et ses joues étaient larges et plates. Elle avait coloré ses paumes et ses ongles au henné, de même, supposa Huy, que la plante de ses pieds. Ses yeux soigneusement fardés étaient soulignés de noir, mais, lorsqu’elle s’approcha, il vit qu’un fin réseau de rides fripait le coin de ses paupières et les commissures de ses lèvres. Son parfum d’huile de palme réveilla en lui des réminiscences qui ne l’avaient pas troublé depuis plus de dix ans. Elles revinrent dans son cœur avec une force qui l’ébranla ; mais c’était un passé qu’il ne souhaitait pas revivre. Il était sain et sauf, à présent. Il avait trop mûri pour retomber dans le panneau.
Ils s’observèrent, chacun lisant de la prudence dans le regard de l’autre. Le trouvait-elle changé ? Ses yeux, familiers et pourtant ceux d’une étrangère, ne le lui apprirent pas. Il émanait d’elle une grâce paisible, née d’expériences et d’émotions – de douleurs, peut-être ? – dont Huy ne savait rien. Elle semblait calme et maîtresse d’elle-même, comme si elle avait appris à accepter les caprices du destin.
Il sentait renaître entre eux l’atmosphère qui se créait, jadis, dès qu’ils étaient ensemble, et qui à cet instant revenait tel un fantôme. Cela n’avait rien à voir avec leurs nouvelles vies, c’était mort depuis plus d’une décennie, et pourtant c’était là à nouveau, presque tangible.
« Huy !
— Aahmès…
— Sois le bienvenu.
— Que de temps a passé ! »
Elle regarda tristement la table.
« Il ne t’a rien offert.
— C’est sans importance.
— J’imagine qu’il t’a simplement planté là. Nous n’avons plus que deux domestiques. La maison est presque entièrement fermée.
— Que s’est-il passé ? s’inquiéta le scribe.
— Assieds-toi. Je vais tout te raconter. »